L e nombre de thèmes abordés par Brassens dans sa discographie est limité. Il dira lors d'une de ses interviews avec Philippe Nimo (sur France Culture) :
"Les themes sont rares. Je crois les avoir tous plus ou moins bien traités. Je les ai presque tous rencontrés : la
nature, Dieu, la vie, la mort, l'amitié (l'amour et l'amitié c'est la même chose) ... Enfin, il y peut être d'autres
choses mais ça m'a echappé jusqu'ici."
L e thème récurant par excellence dans les textes de Brassens. Même dans les premiers titres, alors qu'il n'avait pas 30 ans, la mort est toujours très fortement présente. Souvent désignée sous les termes de 'Camarde' ou 'faucheuse' (deux expressions issues de l'ancien Français que Brassens aime beaucoup) elle apparaît à des degrès divers dans les 2/3 des titres. Souvent sous forme ironique, parfois sous forme grave ('Bonhomme'). Le "Testament " qui sera son premier titre évoquant explicitement et en longueur sa propre mort sortira sur le 33 tours n°3 (alors qu'il n'a guère plus de 30 ans) suivi en 1963 par "La supplique pour être enterré sur la plage de Sète" qui aura un ton plus léger. Le fait d'avoir vécu ses 20 ans en pleine guerre et d'en avoir subi les conséquences (exode en 41, camps de STO en 43) laissera des traces dans ses textes de l'époque qui furent parmi les plus noirs de son oeuvre.
Si j'connus un temps de chien certes,
c'est bien le temps de mes 20 ans
Mes 20 ans sont morts à la guerre".
C'est également durant cette période qu'il écrira le sinistre "Pauvre Martin". Toute sa vie, il gardera une attirance également pour les cimetières. C'est vrai qu'il aimait les cérémonies d'enterrement et qu'il s'y rendait fréquemment, même si l'enterrement ne concernait pas directement un de ses proches.
E
lles apparaissent sous toutes les formes (bourgeoises, filles de rien, filles de joies, jeunes, vieilles ...). Seule la 'mère'
et peu citée à part peut être un vers du Gorille "Que rigoureusement ma mère m'a défendu de nommer ici". Aucun
autre citation n'apparaît alors que le rôle du père est beaucoup plus nettement mis en avant. Dans les "4
bacheliers" bien sûr mais aussi de manière plus discrete dans plusieurs autres textes. Plus de 10 titres feront
référence à un prénom féminin et tous sont joyeux (Mélanie, Margot, Fernande, Marinette ...). Deux surtout seront
très directement liées à sa relation avec Puppchen : "La non demande en mariage" et le remarquable "Saturne" :
Cette saison c'est toi ma belle qui a fait les frais de son jeu
Toi qui a payé la gabelle, un grain de sel dans tes cheveux.
C'est pas vilain les fleurs d'automne et tous les poetes l'ont dit
Je te regarde et je te donne mon billet qu'il n'ont pas menti.
Je sais par coeur toutes tes grâces et pour me les faire oublier
Il faudra que Saturne en fasse des tours d'horloge, de sablier
Et la petite pisseuse d'en face peut bien aller se rhabiller
Il trouvera là quelques unes de ses plus belles rimes. Il apparaît aussi en filigrane dans plusieurs de ses texte ('Putain de toi', 'La princesse et le croque notes') l'ombre de la mystérieuse Jo.
I
l disait souvent "je crois que je n'attaque jamais les hommes, toujours les institutions". En bon anar déclaré, les
institutions (La religion / Les flics / L'armée) sont les cibles déclarées et constantes de Brassens. En fait c'est plus
globalement tout esprit de groupe, de meute, tout
embrigadement collectif qui lui fait peur et qu'il critique sans relâche ("A plus de 4 on est une bande de cons"
restera sa devise). Lui, l'anarchiste convaincu a toujours refusé une quelconque récupération mjme quand il était au faîte
de sa gloire et que tout le monde demandait son analyse. Il aurait pourtant eu des tas de choses à dire dans ces
périodes (Indochine, mai 68 ...) et sa discrétion fut très décriée par ceux qui espiraient son soutien.
Il faut dire que pendant mai 68, il était cloué sur un lit d'hôpital, souffrant une fois de plus de ces douloureuses coliques néphrétiques qui
le firent souffrire toute sa vie.
Le camp des
anars non plus n'a pu l'intégrer dans ses rangs. Il ne collaborera que quelques mois au journal "Le Libertaire" d'abord
comme correcteur puis comme chroniqueur (sous les pseudos de 'Jo la Cidille', 'Pipin Cadavre' ou 'Gilles Corbeau') mais
très vite il reprendra ses distances avec le mouvement et cessera son appartenance à la "Fédération Anarchiste".
Bizarrement, dans chacun des trois camps, un contre exemple servira de base à une chanson et sera remercié pour sa
conduite à contre courant. Ca sera le notamment le cas du curé se battant pour sauver un pendu ("Messe à un
pendu") ou du flic prêtant sa pèlerine à un malheureux ("l'Epave").
L
e grand regret de sa vie. Il aurait aimé être un pur poete comme tous ceux qui ont été ses références (Beaudelaire,
Verlaine, Rimbaud ...). Fin 45, il comprend que s'affirmer en tant que poete sera trop long et trop incertain et il se
résigne à emprunter le chemin "plus facile" selon ses termes de la chanson. Il essaiera toutefois d'y introduire au
maximum un coté littiraire et de références poitiques. Sans entrer dans le débat d'idées "Art mineur" contre "Art majeur
" tels que les définissait Gainsbourg, il voyait dans la chanson un moyen d'accès simplifié à la poesie. Il mettra
d'ailleurs en musique beaucoup de textes d'auteurs reconnus (ou moins). Ca sera souvent les meilleurs titres parmi
lesquels "Gastibelza" (Hugo), "Les passantes" (Antoine Pol), "Les oiseaux de passage" (Jean Richepin) ou "Pensée des
Morts" (Lamartine). Dans le cas de Hugo, ça sera même contre la volonté de l'auteur qui avait clairement défendu à
quiconque de mettre des notes sur ses vers.
L'Académie Française lui fera du pied en lui décernant son grand prix de poesie en 67 et en l'approchant par
quelques un de ses amis et membres. Pour Brassens, rentrer sous la coupole serait trahir "le petit jouer de fluteau" et
il refuse ce qu'un Trenet (son modèle) a vainement recherché. Ses "chansonnettes" comme il les désignait avec un mélange
de fausse et de vraie modestie connaîtront la consécration en servant au concours d'entrée à l'Ecole Normale
des 69.
Signe de son attirance pour les poetes, le nombre d'adaptations et de mises en musique de poemes qu'il effectuera. En
voici quelques un :
L
e coté 'ours' de Brassens qui revient si souvent quand on parle de lui ne l'empeche pas d'aimer être entouré de monde (il
a toujours préféré la ville à la campagne) et d'amis. Parmi ceux ci, il a deux clans très distincts et très solides :
les copains de Sète et ceux de la guerre de 40, compagnons de camps en Allemagne. Parmi eux, le grand Pierre Ontiniente
rencontré à Basdorf qui deviendra manager / logisticien / homme de confiance de Brassens tout au long de sa
carrière